Nous sommes tous là devant les portes du container, bien deux cents personnes à attendre de découvrir ce qu’il contient. Des personnes de tous âges, femmes, hommes, enfants. Cela me renvoie des années en arrière, au siècle dernier, j’étais dans le camion et des enfants couraient derrière pour être les premiers lors du vidage de notre benne, celle d’un camion-poubelle. Des images ineffaçables qui résonnent en moi alors que je suis dans le public qui attend avec patience l’arrivée des comédiens de la compagnie Kumulus.

Reléguée à la marge, dans les zones sinistres de nos mégapoles, dans les zones nauséabondes de notre non conscience, la décharge se répand devant nous de son trop-plein d’inhumanité. Vivants encombrants, déchets aux rebuts, nous éjectons tout ce qui gêne, tout ce qui vieillit, casse, cède et lasse. Point de place aux fragiles et aux inutiles. La benne s’ouvre, des êtres humains épuisés, usés avancent sans se soucier de nous ni d’eux même. Ils forcent le passage reprennent l’espace et nous encombrent de leur histoire. Se placent au cœur et nous mettent à la marge. Des bribes de leur vie passée jalonnent leur errance continue dans ce no man’s land fait de cadavres de notre ère industrielle consommable jetable. Les visages sont fermés, les corps sont usés, encroûtés, chargés de cendre, lourds traînant leur usures, raclant la zone. Et pourtant la rencontre a lieu, le regard s’éclaire furtivement, le groupe se reforme. Laisser tomber les guenilles et partir au-delà, nus vers un devenir possible, nous laissant dans un silence assourdissant.

Neuf comédiens qui pendant une heure et demie ne diront pas un mot, pour qui vous n’existerez pas, qui dérouleront sous vos yeux tous les éléments de notre société, qui pour eux ne sont que les traces d’un passé, évocateur de lointains souvenirs, d’habitudes oubliées. La troupe de Barthélemy Bompard nous entraîne loin, très loin, dans l’émotion, dans la réflexion, pour une ode à la vie par le renoncement et la reconstruction de ce qui est si essentiel : le sens de l’humanité.




Silence encombrant
A la recherche de l’humanité
Kumulus
Création 2011
Avec Dominique Bettenfeld, Barthélemy Bompard, Jean-Pierre Charron, Céline Damiron, Marie-Pascale Grenier, Dominique Moysan, Nicolas Quilliard, Nina Sérusier et Judith Thiébaut

Le site de la compagnie

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