Comment l’idée d’une autre forme de culture se développa dans les années 70 ? Elle aborde cette période à travers une étude claire en la replaçant dans son contexte politique et culturel. Fonction culturelle qui devient une fonction sociale reconnue par les politiques avec la création de la première association nationale pour les arts de la rue, Lieux Public. Elle traite du théâtre militant, de l’engagement des artistes et de leurs expérimentations à de nouvelles formes d’expression liées à l’évolution de la société post 68, où les compagnies sont souvent appelées à travailler dans les structures culturelles des villes et s’inscrivent dans la réalité sociale avec ce besoin déjà fort de se réapproprier l’espace public. L’auteur évoque le temps des pionniers et des troupes fondatrices, tel le Théâtre du Soleil et le Théâtre de l’Unité, qui en réaction à la société en pleine mutation tendent vers une décentralisation et jouent dans les lieux de vie, de travail pour toute une population diversifiée. Floriane Gaber relate le parcours de ces nouveaux saltimbanques refusant d’être happés par le business et ne veulant plus jouer sur les parkings des supermarchés et qui surtout développent l’idée que la création doit être éclatée hors des salles et doit investir l’espace public comme espace scénique.

Tous les champs de la création sont étudiés ainsi que l’imbrication de toutes ces formes d’expression. Ce creuset autour des saltimbanques où les arts plastiques, mai 68, l’Agit Prop, les musiciens, la France, l’Europe, le Monde, les politiques culturelles se mêlent pour donner naissance à cet art de l’espace public porté par les grandes compagnies qui font aujourd’hui toute la richesse de cet art à part entière que sont les Arts de la rue.

Nous avons voulu en savoir un peu plus sur l’auteur. Floriane Gaber, quel est votre parcours au sein des arts de la rue ?

Comme indiqué en 4è de couv, je suis journaliste et, à ce titre, j’ai été amenée, depuis 20 ans, à m’intéresser de près aux arts de la rue. J’écrivais alors également sur le théâtre (pour adultes et pour enfants), les marionnettes, la danse contemporaine, mais les arts de la rue m’interpellaient par leur esprit de liberté, et l’implication physique des spectateurs à certaines formes spectaculaires. Ensuite, j’ai créé à 'Paris III Sorbonne nouvelle' des cours sur les arts de la rue, ainsi qu’un Centre de recherche, qui publiait une revue, Rues de l’Université. C’était au début des années 90. J’ai ensuite été amenée à accompagner l’un des premiers réseaux européenx de rue, Eunetstar, pour lequel j’ai rédigé deux études (sur le public des festivals et sur les coproductions transnationales). Depuis, j’interviens régulièrement dans des formations (auprès des professionnels, des enseignants) et je donne des interventions traitant des arts de la rue sous différents angles.

Comment ça commença et Quarante ans d’art de la rue, pourquoi ce besoin de retour historique sur les arts de la rue.

D’une manière générale, je suis intéressée par l’histoire, par les racines. Tout naturellement, j’ai été amenée à creuser, dans le domaine des arts de la rue, pour découvrir le travail des pionniers, essentiellement rassemblés autour de Aix, ville ouverte aux saltimbanques. Mais ce fut l’occasion pour moi de creuser encore plus, et de contextualiser cette (re)naissance; d’où mes recherches sur les autres formes d’arts proposées alors dans l’espace public, que j’ai organisées en deux branches : l’expérimental et le militant.
Ces recherches ont commencé il y a plus de quinze ans; c’était le moment – enfin – de publier ce que j’avais trouvé au cours de ces années passionnantes. Dans le même temps, j’étais amenée à donner des conférences (dans des contextes divers) sur les arts de la rue, leur typologie, leur structuration, etc. A la fin des conférences, on me demandait régulièrement : “Y a-t-il un livre où trouver tout cela ?” Je ne pouvais que répondre par la négative (même si des ouvrages existent, bien sûr, où certaines informations sont disponibles). J’ai donc décidé de coucher tout cela par écrit, sous forme de témoignage, dont je revendique la subjectivité, tout comme l’honnêteté intellectuelle et le souci de précision. Il ne s’agit forcément pas de livres exhaustifs; mais simplement de ma contribution à cette histoire en train de s’écrire.

La culture aujourd’hui est attaquée par les politiques gouvernementales à travers notamment la réforme des collectivités territoriales. La lecture de vos livres nous rappelle le chemin parcouru par les Arts de la rue, est-ce pur hasard si ces publications paraissent maintenant ?

Oui, totalement, mais comme il n’y a pas de hasard … Ça tombe bien, puisqu’il y a un écho certain dans l’actualité. De temps en temps, c’est bon de jeter un regard en arrière et de voir le chemin parcouru. C’est bon aussi de voir que les questions posées sont souvent les mêmes, à des années de distance, mais que, sans doute, les réponses à inventer sont différentes, parce que la société elle-même a changé.

Et pour conclure, avec votre regard de journaliste, quel avenir voyez-vous pour les Arts de la rue ?

Je dois avouer que ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce sont les différents types de propositions artistiques en espace public. Elles ne sont pas nécessairement labellisées “rue” (ce label n’existe quasi nulle part en Europe), mais elles relèvent de signatures et de démarches de création, tous domaines confondus, qui m’aident à avancer et à considérer la société et le monde de façon différente. Comme je suis très souvent amenée à voyager, je suis curieuse de ces expériences. Peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de témoigner, de façon construite, à leur sujet. De toute manière, l’espace public est au coeur des préoccupations de beaucoup d’artistes actuellement, et nombre d’événements – y compris ceux initialement consacrés aux arts “en salle” - s’y intéressent. Les “nouveaux territoires de l’art” ne sont pas seulement l’apanage des “arts de la rue”, même s’ils s’adressent aux mêmes publics et se trouvent souvent aux mêmes endroits.



Comment ça commença.
Les arts de la rue dans le contexte des années 70.
288 pages + 16 p ill, parution : septembre 2009, prix public : 22 € ; Editions Ici et là.

Quarante ans d’arts de la rue
192 pages + 16 p ill, parution : septembre 2009, prix public : 17 € ; Editions Ici et là.

Éditions Ici et là
144 boulevard de Ménilmontant
75020 Paris
assoicietla(at)free.fr


sepanim.gif